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LE SECRET MAÇONNIQUE. @Alain Graesel

LE SECRET MAÇONNIQUE. CONFÉRENCE PUBLIQUE SUR "LA FRANC-MAÇONNERIE EN GÉNÉRAL ET LA GRANDE LOGE DE FRANCE EN PARTICULIER".

Lors de mes conférences publiques – bientôt la 260ème - organisées par des loges de la Grande Loge de France, ouvertes par définition à tous, maçons et non maçons, de nombreuses questions me sont posées. Parmi les plus fréquentes il y a celle du fameux "SECRET MAÇONNIQUE", objet de nombreux fantasmes entretenus – le plus souvent involontairement – par la discrétion dont font preuve les maçons dans leur conduite qui peut sembler "mystérieuse" alors que la réalité est en fait assez banale. Mais si l’on veut éclairer le sujet, on peut distinguer trois sortes de "secret" : le secret d’appartenance, le secret des travaux et le secret initiatique. (Extraits de mon ouvrage "La Grande Loge de France" PUF Que sais-je ? 3e édition)

a) Le secret d’appartenance. – Il relève par définition de l'appartenance à une loge et du fait que chaque maçon, tout en ayant le droit de révéler sa propre appartenance, n’est pas autorisé à "dévoiler" l’appartenance d’un autre maçon. Cette disposition remonte au début du 18ème siècle, époque à laquelle le rassemblement d’hommes de cultures et de religions différentes était parfois non recommandé, voire proscrit. Cette mesure était alors destinée à garantir à chacun la discrétion dont il voulait entourer sa vie privée pour éviter des mises en cause susceptibles de générer des difficultés politiques ou religieuses. En France, il y eut une période d’ouverture au cours du 19ème et au début du 20ème siècle : les frères de nombreuses loges défilaient une ou deux fois par an dans les rues de leur ville pour faire connaitre leurs valeurs, revêtus de leurs sautoirs et bannière maçonnique de leur loge en tête. Mais cette discrétion initiale a été réactivée de 1940 à 1945 par la promulgation des lois de Vichy d'août 1940, qui interdisaient l’exercice des professions libérales réglementées ou de la fonction publique notamment aux maçons et aux juifs. La guerre finie, et tenant compte de cette expérience, de nombreux maçons ont souhaité ne plus se dévoiler et observer la discrétion à laquelle les textes du 18ème siècle les invitaient. Il en est encore ainsi aujourd'hui et cette disposition, qui trouve donc son origine dans l’histoire, relève de fait de la même discrétion que celle dont on veut éventuellement entourer ses convictions philosophiques, politiques ou religieuses. Et si certains non maçons s'imaginent que c'est pour mieux dissimuler des activités interdites ou suspectes je précise qu’un casier judiciaire vierge est obligatoire pour qui veut postuler à l’entrée en maçonnerie et que si l'État républicain veut savoir ce qui se passe dans les loges il lui suffit de le demander aux responsables des obédiences dont le ministère de tutelle est celui de l'intérieur. Les enquêtes seraient très faciles à organiser. Anecdote amusante. Lors d'une interview, il y a 3 ou 4 ans, une journaliste très connue qui faisait alors de la maçonnerie son fonds de commerce, me demande ce qu'il en est du secret d'appartenance qui, en Angleterre, fait fréquemment la une des journaux. Je lui réponds, en plaisantant, que le mieux pour régler cette question récurrente - qui fait régulièrement la une des marronniers de magazines et hebdos dits "d'informations" – serait de diffuser les noms de tous les maçons de France et de Navarre, ce qui n'est cependant bien entendu pas en mon pouvoir ni en mon intention. Devinez sa réponse : "Surtout pas M. Graesel, surtout pas …. si vous faisiez ça, nous, journalistes, on n'aurait plus rien à vendre…. plus assez de mystère ... et le mystère ça fait vendre .... ". A partir de là plus grand-chose à dire. Les marronniers continueront de fleurir plusieurs fois par an et à vendre un faux mystère. J'ai donc conclu notre entretien par la formule bien connue "Ad augusta per angusta" que je traduis par "Nous atteindrons le sublime mais pas des voies très étroites".

b) Le secret des travaux. – Le deuxième " secret " est réputé être un héritage historique, certains disent légendaire – tous les historiens ne sont pas d'accord sur ce point - des maîtres d'œuvre et bâtisseurs du bas moyen âge, époque au cours de laquelle les apprentis, compagnons et maîtres maçons opératifs – qui bossaient "pour de vrai" sur les chantiers de construction - étaient censés échanger entre eux des "secrets" de métier dans leur loge. Ils s’interdisaient par serment de les diffuser au-dehors tout simplement pour protéger leurs savoirs et savoir-faire. Cet engagement de préservation du secret des travaux est depuis le milieu du 17ème siècle uniquement symbolique, et rien de ce qui est échangé dans les loges de la Grande Loge de France ou des autres obédiences n’est susceptible de protéger ou défendre un savoir ou un savoir-faire professionnel particuliers. Il suffit pour s’en rendre compte de consulter les innombrables ouvrages consacrés à ces sujets et de faire un tour sur le site des obédiences ou sur internet.

c) Le secret initiatique. – Le troisième "secret" relève, lui, du caractère difficilement communicable de l’expérience initiatique, personnelle et subjective, qui sollicite chacun dans l’intimité de sa conscience, étant vécue dans une pratique symbolique et réfléchie en un mouvement de retour sur soi caractérisé par une dimension à la fois intellectuelle, rationnelle et spirituelle.

Et voilà. C'est aussi simple que cela. Alors le fameux "secret maçonnique", qui excite encore ceux qui recherchent du croustillant dans la lecture des marronniers les décevrait sans aucun doute. Mais bon. Ça fait vendre du papier. Et donc les Maçons contribuent à la déforestation. Et ça, c'est pas bien !!

Photo Le Grand Temple de Lyon lors d'une conférence. Un public de maçons et non maçons de près de 300 personnes.



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